En 2023, le prix Jacques Scherer a été attribué à Milène Tournier pour De la disparition des larmes, texte publié aux Éditions Théâtrales.
Les autres pièces en lice étaient :
- L’Infâme de Simon Granjeat / Solitaires Intempestifs ;
- Les Échos de la forêt de Mathilde Souchaud / Éditions Théâtrales ;
- Lichen de Magali Mougel / Éditions Espaces 34 ;
- Le Terrien est un spam de David Léon / Éditions Espaces 34.
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Remise du prix le 27 septembre 2023 à l’Institut de France par Pierre Brunel, à l’éditrice des Éditions Théâtrales Gaëlle Mandrillon.
De gauche à droite : Pierre Brunel, Frédéric Almaviva, Colette Scherer, Gaëlle Mandrillon et Marie-José Hourantier.
Malheureusement Milène Tournier n’a pu être des nôtres, mais elle nous a envoyé un texte enregistré :
« De la disparition des larmes s’ouvre sur une nuit, la nuit de parler, de se mettre à parler. Une femme chez elle, dans sa tour d’immeuble, va dénouer les mots, la douleur longtemps contenus. Quand on ne peut plus rien, on peut au moins ça, chez soi, comme ça, se mettre à parler, toute seule et tout haut.
Marie-José Hourantier me confiait que la devise du prix Jacques Scherer est : « Toute force trouve sa parole ».
Elle m’a dit aussi que l’éléphant est l’animal que Jacques Sherer affectionnait, qui figure, je crois, sur ce trophée que je suis si heureuse, si émue, de remporter.
L’éléphant, sa douceur monumentale qui désarçonne les échelles et les mesquineries, d’un pas, d’une patte posée, d’une paupière qui se ferme comme se forme un sourire, avec autant de lassitude. L’animal immense, presque minéral qui installe son autre rythme et, lui aussi, garde mémoire inaltérable des choses et des êtres vivants.
Je vais aller parler, bientôt, de cette héroïne De la disparition des larmes, avec les élèves de classes professionnelles et générales dans des lycées de l’Essonne. L’un des thèmes du programme de l’année scolaire est La parole, je ne manquerai donc pas de leur rappeler cette devise de Jacques Scherer, de la parole force et énergie pour changer le monde et soi-même. L’autre thème de travail des élèves est la recherche de soi. J’aimerais évoquer avec eux ce que nous permet le théâtre, dans cette recherche d’identité par le détour lumineux de l’autre. Parler aussi de ce personnage qui vit et voit par procuration, qui traque sur YouTube les vidéos zéro vue, les images inédites, qui fait recel des traces du dehors.
Je tiens à remercier infiniment plusieurs personnes :
Lena Paugam tout d’abord avec qui j’ai imaginé ce monologue, écrit comme un grand lamento retenu, et qui l’a magnifiquement mis en scène et interprété, dans différents lieux, et notamment dans la salle du Train Bleu au Festival d’Avignon.
Je remercie aussi Les Éditions théâtrales, Mahaut Bauticourt, Gaelle Mandrillon, Pierre Banos, qui m’accompagnent depuis mon premier texte Et puis le roulis, écrit au bord de la mer, et qui jouait aussi avec la forme du monologue, quand la parole se fait houle.
Je tiens enfin à remercier l’ensemble du jury de ce prix. Merci d’avoir prêté votre lecture sensible à mes mots, vos yeux à ce grand manque des pleurs. J’en suis très touchée. »
Milène Tournier
Discours de Marie-José Hourantier, vice-présidente du Prix
Nous avons été saisis par ce beau chant d’amour doté d’un style puissant à l’état brut. Milène a su s’éloigner de toute sentimentalité et dolorisme. Pas de psychologie mais un voyage au cœur de soi-même, où la perte de l’amour, son absence, continuent à illuminer les traces. Les mots dans leur intensité, les larmes qui ne coulent pas, l’aident à revivre, comme dans un long cheminement initiatique…
L’histoire ne s’achève pas mais le personnage sait que tout peut repousser et que son regard ne s’arrêtera pas d’observer et d’alimenter.
Les larmes concluront cet hymne à la vie, après l’expérience de la douleur que l’on traverse comme la barre, purifiée et revivifiée. Elle a pu faire alors revivre la force… Et les larmes couleront comme une eau bienfaisante.
Ce sera un plaisir de faire partager ce beau texte !